Une petite clairière, au coeur de la forêt d'Ostrelande

Elle, elle ne va pas dans l'eau. Sur la roche légèrement tachée du sang de son offrande, elle pense. Ce qui est fait est fait, et elle ne le regrette pas du tout. Ce fut étrange, paradoxal... Chimérien.

Elle sourit. Oui, typiquement chimérien est le mot.

Son corp au soleil déclinant frissonne légèrement, aussi se met elle en frais de se rhabiller avant de chercher à ramasser les trucs qu'ils ont éparpillés un peu partout. Retrouve sa cape... Mais il semble qu'il manque des choses. Ca lui prends une bonne heure pour tout retrouver et remettre à sa place. Là ou Gaîa pourra les retrouver.

Elle ne parle pas, Morayeel ne semblant pas vouloir parler. Il semble penser ou regretter et elle tient à respecter son souhait. Il lui parlera s'il veut et si c'est terminé, et bien ca le sera.

Sourire doux en repensant aux sensations. Frisson de délice. En espérant qu'il ne se rebute pas.

Morayeel, c'est l'heure. Tu viens?

[MORAYEEL]

Ça fait longtemps. Replié sur lui-même, ses bras enserrant ses genoux, il ne voit rien. La tête bien enfoncée dans son capuchon, comme une carapace inviolable, il se terre dans ses souvenirs. Enfin, dans un souvenir en particulier.

Rien à voir, sauf le bref instant où il n'y a que le corps qui prend toute la place. Mais c'était une bref et futile moment. Seulement une finalité que n'importe quel imbécile pouvait avoir. Le reste par contre...

Tuer quelqu'un, c'était que la finalité. Un bref moment, un stade de passage entre la vie et la mort. C'était pas vraiment intéressant. Ce qui était intéressant, c'était le comment se rendre à ce point et l'après.

À son souvenir, il pourrait presque dire que ça c'était mal passé... ça avait finit dans un bain de sang, obligé de dissimuler, la panique, puis ne rien dire... mais il n'avait pas eu le choix... enfin, si, mais non...

Cette fois, c'était...

- Morayeel, c'est l'heure. Tu viens?

Incomparable.

- Oui.

Il se relève, les mains dans les poches. Et rejoint Freyja, avant de faire brusquement demi-tour, pour aller ramasser son sac. Allez, concentre-toi, Morayeel... c'est pas dans ses habitudes d'être distrait... et là, il se sent, se sait distrait.

Il espère ne pas l'avoir blessé, dans tous les sens du terme. Jusqu'à un certain point, il a perdu la tête. Il n'a rien changé, hein ? Non, il ne doit pas avoir changé quelque chose.

Merde, il le savait... il savait que s'il lui touchait, que ça allait changer les chose... il n'aurait pas dû... ou peut-être que oui... merde...

Il revient vers Freyja et met son sac sur ses épaules.

- On... on peut y aller...

Il n'apprécie pas cet endroit. La Source non plus d'ailleurs... ça lui fait beaucoup trop penser à la Source.

PLUS TARD, BEAUCOUP PLUS TARD

Elle a une étrange impression depuis quelque temps. L'impression d'être observée. Mais elle n'a rien entendu, pas de bruits de pas et personne ne peut être aussi silencieux. Ce n'est rien.

Plus tard, elle joue de la harpe. Tranquillement, délicatement. Lui, il est là. Il prend son temps pour approcher, pour qu'elle oublie qu'elle l'a peut-être entendu approcher. Il glisse sur l'herbe, aussi silencieusement que son entité, trop lentement pour provoquer le moindre doute, trop rapidement pour tenter quoi que ce soit pour y échapper.

Elle est dans sa musique. Elle ne se doute pas de ce qui est sur le point de lui tomber dessus. Lui.

Un caillou dans la main, il tend légèrement le bras et le lance plus loin, de l'autre côté de Freyja. La pierre roule sur le sol, dans les feuilles mortes. Ilka agite les ailes dans un buisson pas loin, juste assez pour faire du bruit et détourner l'attention.

Il franchit le dernier mètre qui le sépare d'elle et déplace son bâton juste un peu plus loin, hors de posté, puis il reste immobile.

Il la laisse tâtonner un moment, puis il lui attrappe la main et la tire brusquement vers lui. Il la retient étroitement, sans toucher à une seule parcelle de sa peau.

- Je t'ai cherché dans tout le camp, tu sais, sussure-t-il, un ton de reproche dans la voix.

Elle joue. Joue pour ne pas oublier, mais joue pour se calmer. Jour pour relativiser sa rancoeur.

Il n'était pas là. Elle avait besoin de lui et il n'était pas là. Les autres auraient été là eux. Elle n'a pas eu le choix. Elle a du revenir ici parce qu'elle serait morte piétinée, explosée ou pire encore.

Pour la première fois, elle se dit qu'elle n'a pas sa place là bas. Les tourments de son coeur sont autant de questions qui tourbilonnent sans cesse.

Va t il venir la chercher?
Tient il réellement à elle?
Ou a til réussit à l'illusionner?

Elle a fini de composer, ce n'est pas du tout ce qu'il y avait dans son coeur... Sur la pierre blanche de son âme, une tache, une simple tache de doute.

Un bruit, son attention détournée, elle lève le nez, essaie d'humer qui vient tandis qu'elle tâte à la recherche de son bâton. Il n'est plus là?

Pour la première fois de sa vie, elle a peur, réellement peur. Pour la première fois de sa vie, elle se rend compte de la vulnérabilité dans alquelle sa cécité la met.

Panique totale.

Je t'ai cherché dans tout le camp, tu sais

Immobilisée. Pétrifiée par la terreur, elle tremble dans ses bras, son cerveau n'a rien enregistré. Elle est trop terrorisée pour se rendre compte de qui c'est.

Il se rend rapidement compte qu'elle panique, même si elle ne bouge pas, ou presque pas. On dirait un lièvre face à une hermine. Totalement paralysé. Il a peut-être un brin exagéré.

- Freyja !

Minssalor... il l'avait pas raté.... elle était pas chimérienne, c'est vrai... une chimérienne lui aurait foutu une raclée. Il hésite... puis prend le risque. Il glisse une main sur sa joue et l'autre derrière sa nuque.

- Freyja, arrêtes, c'est moi. C'est Morayeel.

... Morayeel.

Le rouge lui monte soudainement aux joues.

....

*PAF!*

et....

*REPAF*

Elle ne sait pas ce qu'elle a tapé, ni ou. Mais la fureur...

Je... tu...

Elle n'arrive même pas à formuler des mots cohérents sous l'émotion.

Quoi ? Elle lui tape dessus ? Enfin, si on appelle ça tappé... une Elthiriel agonisante tapperait plus fort. Elle reprend contenance au moins.

Je... tu...

Et lui, il rigole et lui attrappe les poignets pour la maîtriser.

- Arrêtes, tu vas me fêler une côte, ou me faire des bleus ou pire encore, ironise-t-il.

Il lui a touché, rien n'a changé.

Elle n'est pas chimérienne non, et elle est contente de ne pas en être une.

Tu... je tu...

Bafouille t elle en s'agitant de plus en plus. Pour finir collée tout contre lui, tout contre son coeur. Et elle en verse des larmes, sa terreur, sa honte... sa joie qu'il soit venue la rechercher.

Non elle n'est pas chimérienne, elle est celte et fière de l'être. Elle prends une conscience aigüe de ses faiblesses en ce moment précis. Se sent perdue et vulnérable. Les mains douces de la druidesse se meuvent, et cherche l'expression des traits fins du chimérien.

Mais il ne la laisse pas faire. Elle n'aimerait pas ce qu'elle y découvrirait. Il lui attrappe les poignets, puis mêle ses doigts aux siens avant d'y poser délicatement les lèvres.

- Je t'ai cherché... ne pars pas sans me dire où tu vas, dit-il, une pointe de reproche dans la voix. Ouais, hein ! Il l'avait cherché partout. Ou plutôt fait chercher Ilka, mais c'était la même chose. J'ai eu peur qu'il te soit arrivé quelque chose... le camp n'est pas aussi paisible que ta clairière, tu sais.

Il délaisse ses mains pour glisser ses doigts sur sa joue, puis il l'embrasse délicatement, tout doucement.

Il ne la laisse pas faire, elle sait qu'il n'aime pas qu'on lui touche... Et pourtant.

Ses doigts s'emmêlent aux siens. Elle sent qu'il y a quelque chose, mais décide de l'écouter.

Je t'ai cherché... ne pars pas sans me dire où tu vas, une pointe de reproche dans la voix.

Je suis libre Morayeel. Je n'ai pas de compte à te rendre... J'avais le choix entre revenir ou me faire exploser la figure. Je ne crois pas que c'était le temps de te chercher.

Lui dit elle, d'un ton calme quoique légèrement humide.

J'ai eu peur qu'il te soit arrivé quelque chose... le camp n'est pas aussi paisible que ta clairière, tu sais.

Elle a un sourire mi amusé mi amer.

Parce que tu crois que c'est toujours calme ici?

Mais le baiser lui fait tout oublier. Un charme ou sa nature compassive? Qui sait...

J'ai composé quelque chose aujourd'hui. Tu devrais l'entendre. Ca vous concerne, chimériens.

- Je suis libre Morayeel. Je n'ai pas de compte à te rendre... J'avais le choix entre revenir ou me faire exploser la figure. Je ne crois pas que c'était le temps de te chercher.
- Je sais que tu es libre. On l'est tous.

Bah oui, voyons.

- Parce que tu crois que c'est toujours calme ici?

Surement plus calme et surtout beaucoup plus souvent plus calme qu'au camp. Mais bon, il ne relève pas. Parce qu'il n'en a pas envie. Il a d'autres envies.

- J'ai composé quelque chose aujourd'hui. Tu devrais l'entendre. Ca vous concerne, chimériens.
- Ah ? Oui, ça avait le mérite d'attiser sa curiosité assez pour qu'il consente à écouter. Tout c'que tu veux.

Elle prend place, aussi légèrement et gracieusement qu'une plume lorsqu'elle tombe au sol, semblant chercher le lieu propice. Sa harpe lance quelques notes... Puis la musique fuse, ensorcelante. La voix de cristal s'élève dans les airs.


Deux coeurs battant en cadence
quatres pieds foulant la terre dense.
Deux souffles s'évanouissant dans l'air
Les paroles s'élèvent, la magie opère.

La musique se fait entendre.
Lourde de menaces, tout sauf tendre.
La danse des gitanes a débuté
Sous l'oeil du serpent blanc et figé.

Les clochettes tintent, claire comme de l'eau
Le silence, lui répond de son opressant écho.
Quatres essences ne savent pas qui être
Cherchent leur coeur, leur être

La Chimera qui était n'est plus.
Les temps sont révolus.
Par la flamme, la glace et le sang
Une nouvelle chimère, une enfant

Il n'y a plus de lignée.
Il n'y a plus de royauté.
Que des chimériens et des têtes
C'est la révolution, une sombre fête.

Les gitanes dansent
Célèbrent leur essence.
Par la mort la renaissance.
Alors que la gitane danse.

Un coeurs bat, plus de cadence
deux pieds foulent la terre dense.
Un souffle s'évanouissant dans l'air
Les paroles s'élèvent, la magie opère.

Quelques notes et elle pose la main sur les cordes, les faisant taires.