Fidelitas

Depuis la chute du ministère, Harkaitz et Lareless étaient morts. Techniquement parlant. Si Kaitz s’en était remit le temps d’un battement de cœur, Less, elle vivait une demi-flamme. Qu’importe une demi-flamme quand ont peu se réchauffer auprès d’un astre aussi puissant que Kaitz. Samuelle avait ressassé cette excuse jour et nuit pour déculpabilisé.

Samuelle Daee avoir une conscience? Elle avait commis l’inqualifiable et l’innommable. On l’avait jugé, condamné. Elle avait tout avoué : coupable. Garland avait validé sa confession. Depuis la chute du ministère, elle vivait maintenant une vie toute nouvelle.

Sam gravit les marches de pierre du manoir Rocstone, un panier de raisin bleu sous le bras. Une fois n’est pas coutume, elle cogna à la porte et attendit qu’on lui ouvre.

[PNJ ROCSTONE]

Berthe ne se fit pas attendre. Elle ne se faisait jamais attendre. À croire qu'elle surveillait par la fenêtre et se plaçait à côté de la porte juste avant qu'on cogne. Mais non, elle ne guettait pas la fenêtre. Elle avait beaucoup trop de choses à faire.

Bref, la porte s'ouvre sur une Berthe souriante, comme d'habitude.

- Miss Daee, quelle... surprise. Entrez, entrez.

Depuis longtemps, Berthe n'essayait plus d'enlever le manteau de Samuelle. C'était peine perdu, elle s'échapperait jusqu'à ce qu'elle le balance sur un fauteuil, ou une chaise, quand c'était pas en boule dans un coin. Berthe n'y touchait qu'à ce moment là.

- Dois-je vous annoncer, Miss Daee ?

Que Samuelle accepte d'être annoncé aurait été étonnant. Il ne restait plus qu'à la suivre pour récupérer son manteau et afin d'éviter qu'elle ne fatigue Monsieur Rocstone. Tâche ardue en perspective.

Un large sourire, franc et mobile étira les lèvres de la jeune métisse. Un sourire rare, Uniquement dédié à Berthe. Elle n’avait pas posé de question et Sam en éprouva une curieuse reconnaissance. Sam entra, déclina l’offre de se faire annoncer et grimpa l’escalier quatre à quatre pour joindre la chambre de Walt.

Elle toqua timidement à la porte, en rupture avec son effronterie habituelle, l’entrouvrant de quelques cm pour voir à l’intérieur. Walt était éveillé, feuilletant son journal dans son lit. En entendant sa porte ouvrir, il lève les yeux de son journal. N'importe qui aurait frappé. Elle ne lui laissa aucun temps de réaction. Tel un ouragan, elle entra dans la chambre, laissant la porte grande ouverte derrière elle, et se jeta dans le lit du patriarche. « Aaaaah il y avait tellement longtemps que je n’avais pas fait ça! » s’exclama-t-elle, au comble du bonheur. Elle se retourna sur le flanc, froissant les draps puis posa entre eux un panier de raisin dont l’une des grappes semblait largement entamée. Elle la désigna de la main : « Je t’ai apporté des raisins, tonton Walt! »

[PNJ ROCSTONE]

- En voilà des manières. Entrer sans frapper, sauter sur un convalescent sans prévenir. On dirait que vous avez encore 15 ans.

Il jette un coup d'oeil aux raisins, adresse un regard à Samuelle par-dessus ses demi lunettes de lecture, dont l'oeil droit voit comme dans un épais brouillard, puis replace son journal pour recommencer à lire. Quelques secondes de silence.

Merci pour les raisins. Je doute pas qu'ils soient délicieux.

Il essaie tant bien que mal de garder un air digne et fier malgré le peu de dignité qu'il a en pyjama, dans des draps froissés.

Un sourire vulpin étira les lèvres de la métisse. « Je ne crois pas que quiconque ait jamais cru que j’ai des manières hormis toi, Walt… » ricana-t-elle en jetant habilement un raisin par-dessus l’écran du journal. « Ils sont effectivement délicieux… Je les ai cueillis moi-même dans un petit vignoble de ma connaissance que j’honore de ma visite depuis des années. »

[PNJ ROCSTONE]

- Je suis certain que le propriétaire est ravi.

Ok, c'est bon, il ne pourra plus lire. Il ne pourra même plus dormir sans rouler sur un raisin non plus d'ailleurs. Il soupire. Il aurait dû être plus joyeux, plus enthousiaste à l'arrivée de Samuelle, mais il avait encore mal partout, surtout à chaque respiration, bien que les blessures superficielles soient presque toutes disparues. À l'intérieur, il se faisait vieux, il guérissait plus lentement. Les guérisseurs et médicomage ne voulaient pas lui donner ce qui l'aurait guérit d'un coup, à cause de la dose trop forte de ce qu'il demandait son âge et bla bla bla... mais d'un autre côté, ça tombait peut-être à point.

- Tu as la clé que Cesar devait te donner.

C'était une phrase formulée à mi-chemin entre la question et l'affirmation. Et non seulement il avait mal quand il respirait, mais en plus, il s'ennuyait à mourir... le corps ne suivait pas, mais la tête était en pleine forme... à part la déprime d'être coincé dans son corps... il était trop vieux pour ces conneries...

Samuelle avait la clef. Le moyen par lequel elle était entrée en sa possession restait un mystère puisque César ignorait toujours son retour à la vie, mais Samuelle savait parfois user de moyen hors du commun. La plupart des gens avaient moins mal réagit à sa mort qu’à sa vie. Elle s’assit, ravageant encore davantage les draps

Elle avait fréquenté Harkaitz depuis de si nombreuses années qu’elle connaissait le pouvoir des clefs des Rockstone. Elle en avait subtilisé des quantités à Kaitz. Le trousseau au complet, parfois… Elle avait l’intuition que les clefs, chez les Rockstone, remplissait le même office que les pierres Daee.

Les pierres servaient à baliser des connaissances : elles marquaient les souvenirs, gardait des témoignages, jalons de l’histoire. Les Rockstones eux, pour ce qu’elle pouvait en juger, entreposait, mettait en relation, collectionnait d’autre sorte de trésor. Les clefs permettaient d’atteindre ces trésors. Samuelle n’avait jamais su quel genre de relation son père et le père de Kaitz entretenait mais quelque chose lui donnait l’impression qu’ils avaient quelque chose en commun. La chimera devait certainement jeter son ombre ici aussi. Elle avait senti la résonance de la magie sauvage dans les pierres du manoir.

Elle sortit la clef de son corsage et la tendit à Walt comme un trait d’union tiré entre eux. « Cette clef là? » fit-elle avec l’air de ne pas y toucher.

[PNJ ROCSTONE]

Walter voit apparaître la clé de l'oeil gauche et hoche la tête, approuvant le fait qu'elle soit en sa possession.

- Bien, parfait. Garde-la, précieusement. Elle est en sécurité avec toi, pour l'instant.

Et il referme les doigts de Samuelle sur la clé et lui tapote délicatement la main.

- En temps et lieux, tu la donneras à Harkaitz.Mais pas maintenant, on est pas en sécurité et Harkaitz ne comprend pas tout encore. Toi, tu comprends, mieux que tu crois.

Les yeux de Samuelle s’étrécirent, se réduisant à deux minces fentes incandescentes. Elle n’avait pas ce tic suspicieux auparavant, seulement depuis sa mort, comme si une part de sa naïveté s’était envolée avec sa vie.

C'était sans doute la clef du domaine...

Elle comprenait certainement plus qu’elle le montrait. Elle ne montrait jamais la véritable étendue de ses connaissances, de son intelligence. Walt le savait et ce qu’il venait de suggérer la faisait douter. « Et ce sera quand ce moment opportun? Comment vais-je le reconnaître? Qu’est-ce qui s’est passé là bas, Walt? Qui vous menace? »

[PNJ ROCSTONE]

Malgré les questions posés par Samuelle, Walter semble confiant. Il se repose sur les oreillers qui lui assurent un maintient confortable et relâche les mains de Samuelle.

- Quand ils le réclameront. Je croyais être encore assez résistant pour assurer la protection du domaine, mais je me fais vieux. Mustang est puissant et j'ai bien failli perdre la clé. Si Cesar n'avait pas été là, je l'aurais perdu. Et si Lareless n'avait pas été là, j'aurais perdu Kaitz aussi.

L'oeil gauche s'émeut, tandis que le droit devient aveugle, encore plus brouillé, mais parfaitemnt sec.

- Tu sauras quand la lui donner si je ne suis plus là pour te le demander.

La mort était un sujet qu’elle pouvait comprendre mieux que tout le monde. La mort était un sujet qu’elle seule avait vécus pour ensuite s’en sortir vivante. Elle avait triché. Si elle n’avait pas fait ce qu’elle avait fait, il aurait perdu Harkaitz, peu importe le sacrifice de Lareless… « Nous n’oublions rien. Rien » fit-elle glaciale, Rien vibrèrent les pierres autour d’elle, érodée par une longue haine… Elle est morte. Elle n’aurait pas du mourir. Samuelle resta là longtemps sous l’emprise de chagrin trop nombreux pour se différencier les uns des autres ou pour trouver un apaisement.

Elle empocha la clef, la glissant dans son corsage. « Tu n’as rien d’autre à me demander, tonton Walt? » demander quelque chose à Muelle était le moyen le plus sûr de ne rien obtenir.

[PNJ ROCSTONE]

- Tu n’as rien d’autre à me demander, tonton Walt?

Walter dévisage Samuelle un moment, hésite, puis secoue la tête. Un sourire se dessine.

- Non. Tu as la clé et tu la donneras à Harkaitz le moment venu. Je n'ai plus rien à demander.

Il jette un coup d'oeil dehors, par les grandes baie vitrées. Le ciel se couvrait, une averse n'allait pas tarder à rentrer.

- Quoique... tu voudrais faire rentrer Judith ? Si elle reste planté devant les rosiers durant la pluie, elle va attrapper froid. Elle s'inquiète pour ses rosiers.

« C’est parce qu’elles sont fragiles… » rétorqua la métisse sans qu’il soit possible de savoir si elle parlait des roses, des fées ou de Judith. « Elles ont besoin d’être protégées… »

Samuelle se leva, sortant du lit avec une attitude opposée à celle qu’elle avait eut en grimpant : posée, délicate et sérieuse. Elle alla à la fenêtre, soulevant les tentures, observant le ciel. « L’orage vient, en effet… » murmura-t-elle. Les yeux de la belle métisse survolait le parc sans le voir… « Les pierres personnelles d’un Daee sont les plus puissantes qui soit. Elles renferment sa mémoire et sa vie. À ma demande, mon père vous a confié les miennes. Sont-elles bien cachées? » Samuelle connaissait la réponse… Un hochement de tête affirmatif qu’elle ne vit pas. Elle avait confiance en Walter Rocstone.

« Bien des secrets ont été scellés dans mon cœur. » Les pierres de garde Daee, les secrets de tout un monde, l’histoire de tout un peuple raconté par les pierres. « Vous, les Rocstones, êtes pourtant les seuls à avoir utilisé mon cœur pour autre chose. » déclara-t-elle avec affection, une charge considérable d’émotion transparaissant dans sa voix. « Je n’ai jamais su vous le rendre et pourtant maintenant que je vous le propose, vous n’osez rien me demander. » Elle lui tendit la main, une main palpitante d’une vie nouvelle, la peau neuve, fraîche et délicate, aux tons chaud de caramel. « Permettez-moi de vous abriter là où personne ne pourra venir vous chercher, vous et les vôtres, ce que j’ai de plus précieux. Librement donné, librement accepté? »