Retenue

17h10: Elle avait cogné à la porte, 3 coups bref, en cadence.

Devant la porte, une petite fille de 12 ans se tenait là. Elle était calme. Son esprit vibrait d’activité, son regard observait avec acuité. Ses cheveux plumeux flottaient autour de sa tête à chacun de ses mouvements, comme animés d’une vie propre. Droite, solide, confiante. Elle était menue, mais on devinait qu’elle serait grande un jour. Grande et solide comme sa maman. Elle avait les yeux noirs, très noir, noir comme la peur dans le noir. Des yeux qui avait vu l’abîme et en avait rit. Quelqu’un comptait dans sa tête, et ce n’était pas elle. « Bonsoir! » Fit-elle avec une politesse exquise de petite fille bien élevée, « Je suis Léandre D. Gilpin. » Cet accent? Un slang tout canadien. « C’est un nom de garçon mais je suis une fille. » spécifia-t-elle. L’expression de son visage laissait deviner qu’elle était agacée de cette situation… « Je... Vous vous rappelez, hier, à la tour d'astronomie... La retenue... C'est moi qui... » fit-elle en se tapotant le nez de façon équivoque.

« ...Je... Vous vous rappelez, hier, à la tour d'astronomie... La retenue... C'est moi qui...»

La porte s'ouvre devant le nez de la jeune fille...Laissant voir cet homme qu'elle a vivement assommé le soir précédent...D'ailleurs, l'espace entre son nez et sa bouche sont teintés de violet...Mais pourtant il sourit, il a l'air calme avec son regard mi-clos. Son nez assez proéminent lui donne l'air un peu bête...C'est un bel homme. Comme elle a pu voir hier, il est très grand et très mince.

« Ah, alors c'était toi la petite rebelle. »

Il lui fait signe d'entrer, s'appuyant contre la porte pour lui céder le passage.

« Solean arrivera sûrement à l'heure toute juste... Même un peu en retard. »

Il referme la porte derrière la petite, lui montrant une chaise d'un signe de la main. Deux chaises dépareillées devant un bureau de bois massif très simple et sans artifices ni décorations superflues.

« C'est pour être cool selon Kaitz... »

Ajoute t-il sans vraiment que ce soit à l'intention de Léandre qui ne comprendrais pas grand chose à ce qu'il raconte de toute façon.

« Enfin. Je vais te l'expliquer maintenant, votre retenue va consister à me filer un coup de main pour re-décorer mon bureau. »

Il sourit en examinant les murs tout autour d'eux...En effet...Ça avait grand besoin d'être réarrangé. C'était comme si il venait d'emménager. Une étagère a demi vide, des boites qui n'étaient qu'a demi défaites, des papiers collés sur tous les murs avec du ruban moldu et une boite de biscuits sur le coin du bureau sur lequel trônait au milieu de cahiers Canada et de stylos BIC, un ordinateur portable.

« Enchanté Léandre. Moi c'est César. »

Il lui tends une main au milieu de laquelle repose un biscuit...Un biscuit doré qui sent le miel et l'amour d'une maman...

Léandre fixa le biscuit dans la main… C’était un test? Le geste suspendu, la main à demi tendue… Perplexe, salivant abondamment… La gamine fit un courageux effort sur elle-même : « Maman dit toujours qu’il ne faut pas accepter de... » commença-t-elle avant de rafler le biscuit et d’y mordre à belle dent. Maman n’était pas là… Elle ferma les yeux, savourant… « Huuuuum mais qu’est-ce que c’est BON!!! » Elle rouvrit ses yeux noir noir noir et enfourna le reste. Elle se lécha consciencieusement les doigts avant de serrer celle du concierge. Une petite fille merveilleusement bien élevée.

Qui ne résista pas à l’observation en règle du bureau… Des cahiers Canada. « Vous venez du Canada, vous aussi? »

Sourire en tranche de courge. « Tous les métisses se ressemblent… Et la plupart viennent du Canada… » Une logique implacable… « Je suis en échange culturel. C’est maman qui m’a expédié ici après que… » Elle s’interrompit, se reprenant rapidement, mine de rien : « Maman dit que les gens qui vont au nord se départagent en 2 types : ceux qui cherche qqchose et ceux qui ont trouvé qqchose… Vous êtes dans quelle catégorie? » Demanda-t-elle en furetant. La gamine évaluait le contenu des cartons et l’ampleur de la tâche à accomplir…

Elle revint se planter devant lui, les bras croisé sur sa poitrine, fixant ses yeux noir sur le concierge. Léandre savait compter, maman le lui avait appris. « Et pour venir à bout de cette retenue, vous nous donnez combien de point, à Solean et à Moi? » négocia-t-elle.

Léandre décolla délicatement les photos du mur, les empilant précieusement. Léandre était une observatrice… Elle fixait chaque portrait, mémorisant, analysant, recueillant des informations sur l’homme… « OH! Regardez! Quand je dis que tous les métisses se ressemblent! Là, ce pourrait être maman! Oh oui! Elle portait ce genre de veste de cuir. J’ai vu des tas de portraits d’elle quand elle était jeune… Sauf que maman, elle, elle a les yeux jaunes… » fit-elle en brandissant une photo sous son long nez. « C'est votre amie métisse? »

Solean choisi ce moment précis pour faire son apparition, avec deux cruches de limonade (il déteste le jus de citrouille. ) Et trois verres. Bien quoi, la retenue ca donne soif.

Bonsoir... J'ai pensé qu'on aurait peut être soif...

Moment de flottement. Subitement inquiet, il dépose les boissons sans cérémonie sur le bureau, prends un verre et se précipite sur César.

tonton Zar!? Tu es tout blême. Prends ca ca va te faire du bien.

L'oeil vert se pose sur Léandre. Il lui demande sans arrière pensée.

Tu lui a fait quoi?

L’idée que ce pouvait être de sa faute ne l’avait même pas effleuré. Elle écarquilla de grand yeux noir, surprise. Puis son regard baissa sur les photos. « Je ne lui ai rien fait! Je crois que la photo lui a rappelé de mauvais souvenirs… » Elle posa la pile sur un coin du bureau et se rapprocha du concierge en se tordant les mains. « Monsieur César? Ça va? Je ne voulais pas vous faire de peine monsieur César… » Une parfaite petite fille bien élevée. Elle regardait autour d’elle était-ce possible qu’elle ait causé ce chagrin? Puis ses yeux tombèrent sur la boite à biscuit. Sans réfléchir, elle l’attrapa et en souleva le couvercle devant lui. « Tenez, prenez un biscuit, ça va vous remonter… Maman me donne toujours du lait et des biscuits quand ça ne va pas… » fit-elle avant de demander à Solean, en aparté, « C’est ton oncle? »

Léandre affichait un sourire un peu crispé… Pour la forme, elle répéta, d’une petite voix : « Je m’excuse, je ne voulais pas vous faire de peine? » Malaise…

Qu'est-ce qu'il y avait à faire dans ses cas là? Oncle Paul lui avait apprit qu'il n'y avait qu'une chose à faire. Elle posa la boite de biscuit et s'élança dans une étreinte farouche. « pardonnez-moi! Faut pas être triste! »

Hemm... POur un malaise c'est tout un malaise... Les yeux ronds, le verre dans les mains, il regarde César se lancer sur la boite de pilules.

Un regard à Léandre,... Non mais franchement. Heu...

Pour se donner contenance, il vide le verre qu'il tient.

« Hm...Si vous voulez finir cette retenue un jour, il faudrait commencer, n'est-ce pas? »

Sourire hésitant...

Et si tu nous disais par ou commencer?

Léandre s’attela à la tache… Après tout il avait l’air déterminé à leur faire faire cette retenue. Elle décolla tout ce qu’elle pu, se concentrant sur la portion du bas du mur, et s’abstint de tout commentaire à propos des photos. Le concierge avait l’air d’un homme torturé… Elle préféra ne pas se montrer indiscrète. Le mur fut rapidement dégagé, les cartons entassé au milieu, recouvert d’une bâche et ils commencèrent la peinture.

Etes vous capable de croire Solean sérieux et concentré pendant.... une bonne heure?

....

Etes vous absolument certain?

Comme un client dans une brocante, le jeune homme touche examine regarde, remarque essaie.... Il travaille moins vite, son attention concentrée sur un objet à la fois.

Une fois la bâche recouvrant les objets de sa dissipation, il se retrouve avec un pinceau dans la main... Regardant partout... Oh ok.... Commencons par le début.

Passant derrière Léandre, il la badigeonne de jaune sans qu'elle ne s'en apercoive. C'est voulu? un accident?

Sifflotant allègrement, le jeune homme grimpe dans l'escabeau et commence le découpage.

Son t-shirt fétiche, son t-shirt noir favoris, lui collait curieusement aux omoplates. Une main exploratrice, une contorsion et… « Mais? » La main couverte de peinture jaune. Les sourcils en accent circonflexe, elle regarda autour d’elle… Rien n’avait encore été peinturé… Rien sauf le découpage du plafond… Déclaration de guerre.

Du bout du pied, elle déplaça la panne à peinture devant la dernière marche de l’escabeau. Elle imprégna son rouleau et entreprit de rouler le mur.

ee...h.oo.o.o.o.o.o... ooo....nnn.....on.n....ssse....ca.a.a.a.a.a.lme!

Dit Solean en se retenant. Rapidement, il descend. Le reste est digne à être dans les annales des coups fourrés de POudlard. Du grand art.

Le pied atterri dans le plat de peinture qui glisse. Collé au dit pied, il fait une élégante arabesque, quelques saltos dans les airs en répandant son joli contenu d'un jaune pétant s'étale partout, particulièrement sur le plancher et sur le jeune homme en de sublime traits jauniens.

Solean éclate de rire.

C'est ca rire jaune?

Léandre, elle, ne rit pas jaune. Elle rit de bon cœur. Un grand rire explosif et incontrôlable.

En présence de l’homme qui les a collé en retenu? Arf… Il avait lui-même précipité les événements. Agenouillée par terre, les yeux dans l’eau, elle rigole. César a les cheveux nappé de jaune, ça dégouline. Un instant de remords? Pas du tout. « Ça vous plairait, César, un joli effet de pochoir!?! »

Elle tendit la perche vers son ami, à bonne distance. « Solean, arroche-toi au rouleau, je vais te frotter sur le mur!»

Un solean tout couvert de jaune l'attrappe a bras le corp et en profite pour l'imbiber bien comme il faut.

Puis, à bout de bras, soulevant la plume qu'est Léandre Il commence à la passer sur le mur. A bout de bras. Elle se débat comme une furie, mais elle n'a pas assez de bras.

Cool!!! chouette le faux fini!!!! Ta vu Zar?

Son attention détournée par le concierge, elle ne vit jamais Solean se rapprocher traitreusement. « ARGL! Solean pose-moi par terre! » hurla-t-elle en riant. Le problème quand on rigole, c’est que nos forces s’en trouvent amoindrie. Rapidement, on voit des bouts de Léandre s’imprégner sur la peinture du mur. Des traînées de cheveux, des empreintes de main, de chaussure et beaucoup de matière textile. Frotti-frotta. Léandre se tortille de son mieux. « Pose-moi par terre ou je serai forcée de … de… d’appeler César à ma rescousse!! » menaça-t-elle. « À l’aide!!!! »