Course effrénée

- Inutile de te cacher Jack John Junior Williams, on te trouvera tôt ou tard et mieux vaut pour toi tôt que tard ! dit un fantôme grand et fin en robe de chambre, sa tête sous le bras.
- Ils ne sont vraiment pas content de ton attitude Jack et tu sais ce qu’il réservent à ceux qui manifestent leur mécontentement… déclara la petite voix aigue d’un ectoplasme féminin en robe de mariée.
Tout deux virevoltaient dans une ruelle sombre de Londres. Il était minuit passé et la nuit était bien là. Ils semblaient chercher avidement un dénommé Jack, deux fantômes qui cherchaient un autre fantôme, cela promettait une partie de cache-cache assez longue. En réalité cette partie durait depuis des années, Jack était recherché par certaines instances ectoplasmiques pour son attitude trop ‘vivante’.
- Tu ne vas tout de même pas gâcher ton éternité à jouer à ce petit jeu Jack ? dit l’homme tout en longueur et décapité tout en regardant dans une poubelle si le dénommé Jack n’y était pas.
Sa collègue quant à elle inspectait un caniveau lorsqu’un rire dantesque et euphorique se fit entendre, résonnant dans toute la ruelle. Promptement les deux fantômes se rejoignirent au centre de celle-ci et scrutèrent l’obscurité en virevoltant, cherchant en vain la provenance de ce bruit.
- Hubert, Melinda. Cela me touche énormément que vous m’apportiez autant de considération au point de passer votre nuit à me rechercher. J’en suis ému aux larmes. finit-il en pouffant de rire.
- On a ordre de te ramener mort et vif Jack. Tu sais ce que ça veut dire ?
- Ca veut dire que vous avez eu une autorisation pour pratiquer un rituel ectoplasmique censé m’intercepter ?
- Exact Jack.
- Houuu j’ai peur… On vous a donné l’autorisation de pratiquer d’aussi anciens rituels… Bhouu j’en frétille d’impatience… Rituelisez-moi ! Un détail cependant, je croyais que les rituels ectoplasmiques avaient été bannis depuis des siècles par la communauté des sorciers en accord avec nous-même ?
Un silence gênant s’installa chez les deux rabatteurs.
- Hooo je suis tout émoustillé d’être une mesure d’exception…
- Tu es fou Jack et il est temps de mettre fin à cette folie.
Le rire dantesque s’intensifia et finit par perdre en écho pour se concentrer en un point. Jack se trouvait face aux deux rabatteurs ectoplasmiques une cigarette à la bouche comme toujours. Aussitôt les deux se tinrent la main.
- Haaa c’est de toute beauté ce genre de magie, tellement de générosité, de corrélation, c’est… psychoérotique. finit-il en expirant de la fumée et en filant vers le bout de la ruelle.
Les deux autres se lancèrent à sa poursuite toujours main dans la main professant des paroles dans une langue incompréhensible. Il doit être là, il doit être là pensait Jack. Et il fut là, le Magicobus passait juste à ce moment là. Il ne s’arrêta pas, ce genre d’engin ne s’arrêtait pas pour un fantôme mais il ne suffit qu’un millième de seconde à Jack pour pénétrer la carrosserie et se retrouver un l’intérieur. Rompant ainsi le contact avec ses deux assaillants, il mit fin au rituel et fut bientôt assez loin d’eux pour se retrouver en sécurité.
Le Magicobus filait à grande vitesse dans les rues de Londres s’arrêtant dès qu’un sorcier faisait halte de sa baguette puis repartant dans une course effrénée. Il était plein à craquer au rez-de-chaussée donc Jack traversa le plafond pour aller à l’étage. Il s’assit sur un siège et continua de fumer tranquillement, son regard de fou était perdu dans les lumières de la ville qui défilaient.

Une petite silhouette courrait dans les ruelles de cette magnifique ville, Londres. On ne pouvait savoir pourquoi mais il y avait une raison, des larmes coulaient le long de ses joues et ses pieds, nus, trébuchaient quelque peu sur les pavés mouillés. En un rien de temps, elle rejoigna le parc le plus proche, le plus désert à cette heure tardive de la nuit. Le parc n'avait presqu'aucun jeu, une balançoire rouillée, un petit toboggan cassé en deux – encore du vandalisme pur et dur des banlieusards Londoniens – et un banc qui tenait la route, Élise s'assit, replia ses genoux vers elle et sanglota en silence. Ce silence, trop pesant, montait en elle comme un tourbillon de pensées. Pourquoi était-elle partie de chez elle subitement sans rien dire à personne, à son jeune âge et à pas d'heure ? Une dispute, des cris, des pleurs et la fuite.

( Je n'aurais jamais dû dire à Maman qu'elle n'était pas ma mère, pourquoi ai-je dit cela ? Pourquoi ?
- Sous le coup de la colère, tu sais quand tu t'es mise à hurler par terre en hurlant des atrocités, ce n'est pas mature, pas mature du tout.
Mauvaise voix, au lieu de tout le temps me dire ce qu'il ne fallait pas faire, aide-moi à trouver une solution.
- La solution ? Mais tu l'as, ma petite. Tu l'as, c'est sûrement t'excuser auprès de tes parents ...
Je sais ! Mais je ne veux pas, ils l'ont mérité. )

Élise ferma les yeux, elle sentait sa tête lourde et des voix envahissaient son cerveau. Qui disaient des choses incompréhensibles, des choses en langues étrangères, la folie commençait à s'emparer de son pauvre petit corps.

( Tu deviens folle.
- Moi ? Mais non ! Tu es juste trop troublée par tes émotions, tu n'es pas folle, tu n'es pas bien, va te coucher. Aller, au lit ! )

La gamine regarda ses maigres bras, elle commençait dangereusement à avoir froid. Sa peau devenait violette et pauvre sotte, elle avait oublié sa baguette. Les bruits courraient qu'on n'était jamais protégé dans une grande ville surtout dans un endroit qui craignait, pourquoi ce toboggan était gravement endommagé, alors ? Des voyous, des adolescents qui ne veulent que s' « amuser » mais la notion de s'amuser est aussi vague que celle de la beauté, tout dépend de la personne et de son point de vue. En ce qui concernait Élise, elle ne trouvait pas que le fait d'être un vandale pouvait être amusant mais après tout, elle n'avait qu'onze ans.

Malheureusement, des voix graves parvinrent à ses oreilles, Élise commença à avoir des bouffées de chaleur et des légers frissons le long de sa colonne vertébrale : elle avait très peur et aucun moyen pour se protéger, elle n'avait rien. Les silhouettes étaient masculines, leurs carrures étaient imposantes et virent la petite sur le banc au dernier moment.

- Hey les mecs ! Y'a une mioche là.
- Montre-nous la pettiote ...

Sa voix était légèrement un peu trop enjouée pour savoir qu'ils avaient envie de voir Élise, juste pour faire connaissance. Les trois colosses regardèrent Élise, à présent debout.

- Et ben, il est tard, tu devrais être au lit – sa voix se voulait quelque peu amusée et très « douce » -
- Je .. Je me suis perdue.
- Perdue ? Où est ta maison ? Kyle, Mike et moi allons te raccompagner.
- Non, non c'est bon. Je suis assez grande.

Dès qu'Elise fit un pas vers le grillage pour sortir du parc mais le « Mike » prit son bras et la regardait sûrement trop près pour qu'Elise soit en totale confiance. Elle poussa un cri quand il lui caressa la joue, elle détestait qu'on la regarde de trop près surtout par des personnes de son genre. Élise essaya de contre-attaquer avec ses petites mains mais les deux autres idiots rièrent, leur rire était trop fort pour qu'on ne les remarque pas mais Élise ne vit personne aux alentours.

- Aller, ma petite, tonton Kyle va te raccompagner.
- No... !!

Son cri fut étouffé par une main grasse et qui sentait la sueur, Élise eut envie de vomir, elle aurait d'ailleurs voulu juste pour qu'ils s'en aillent mais son malaise ne faisait qu'empirer. Elle n'aurait jamais dû sortir, se dit-elle. Un bruit de voiture et les trois adultes se retournèrent pour ne rien voir mais Élise le voyait, elle souria.

- A qui tu souris ? - Un sourcil légèrement haussé sur le côté -
- A toi.

Ce n'était sûrement pas le bon moment de faire de l'humour mais Élise ne trouvait pas d'autre moyen pour attirer l'attention ou la détourner comme vous voulez, le chauffeur du Magicobus sortit de son véhicule et le trio se retourna.

- Mike, d'où il sort celui-là ?!
- Je .. Je sais pas !

Mike, ayant l'air d'être le chef du trio, les regarda d'un air aussi étonné qu'il avait vu Élise sourire deux secondes avant, « Quartier de fou.. » marmonna t-il dans sa barbe.

- Hey ! S'écria le chauffeur en prenant par le bras Élise.
- Ma petite !!
- Ne la touchez pas !!

Et dans un nuage de fumée, le chauffeur et Élise disparurent.

- Merde, on a loupé la morveuse.
- ... Les gars, on rentre au bar.
- On la retrouvera, dit Kyle qui n'avait presque pas parlé depuis le début.



Le chauffeur lâcha le bras d'Elise et la regarda d'un air, presqu'en colère.

- J'espère qu'ils n'ont rien vu du Magicobus. A cause de toi, on aurait pu montrer à trois moldus que le monde magique existait bel et bien ! Et non pas comme ils le croient dans leurs histoires de contes de fées !
- Excusez-moi mais je .. Je me suis .. Perdue.
- Perdue ? A plus de minuit un soir de vacances ?
- Oui, c'est exactement ça.

La voix tremblotante d'Elise se voulait convaincante mais elle avait effroyablement peur.

- Ton nom et ton prénom ?
- Élise Shields, première année à ...
- Non, non que le nom et prénom, ça ira.

Dans un petit sourire, le monsieur griffonna son nom sur un parchemin.

- Cela fera sept mornilles et ...
- Tu lui fais payer alors qu'elle n'a rien sur elle ?
- Euh, ah oui bon si tu te re-perds encore une fois, tu me payeras, hein ? - Le « perds » légèrement accentué -

La deuxième voix venait d'une tête étrange accroché par un fil à l'avant du Magicobus, elle le regarda légèrement étonnée mais après tout, c'était une sorcière et tout pouvait exister dans ce monde, c'était de la magie.

- Installe-toi .. En haut, il doit rester des places.

Élise hocha de la tête en signe de compréhension et regarda un peu le Magicobus avant de monter à l'étage, les rares personnes sorcières qui étaient là, dormaient sur des lits, leurs bouches faisaient du bruit mais c'était supportable. Un gigantesque lampadaire surplombait le magicobus et ses lits. Élise regarda par une fenêtre si elle voyait encore ces trois « violeurs » mais cela faisait longtemps que le bus violet avait changé de destination.

Montée à l'étage, elle remarqua qu'il restait un banc de vide enfin c' est ce qu'elle crut. Dès qu'elle fut assise, elle ferma les yeux, enfin tranquille. Mais au bout de quelques minutes, elle avait l'impression de sentir de la fumée de tabac. Élise regarda l'étage d'un seul coup d'oeil et ne vit personne qui était en train de fumer, tous les sorciers dormaient. Elle hallucinait. Refermant les yeux pour faire un petit somme, elle sentit un courant d'air près d'elle. La petite Shields orienta son regard bleu à côté d'elle et remarqua quelque chose bouger.

- Euuuh. Il y a quelqu'un ?

Poser une question stupide donnait l'impression d'être stupide mais pour une fois, cette question allait être plutôt intelligente. Élise attendit une quelconque réponse de l'être assis à côté d'elle.
La folie l'avait prise.

Jack était perdu dans ses pensées. Pensées qui ne devraient jamais être dévoilées de part leur folie meurtrière. Il cherchait un moyen, il pensait l’avoir trouvé mais il lui manquait quelque chose, un garde-fou en somme. Son regard se perdait dans les lumières de Londres lorsque le Magicobus s’arrêta une nouvelle fois pour prendre quelqu’un. Jack jeta un coup d’œil par la fenêtre et vit le chauffeur prendre en charge une petite fille. Peu de temps après le Magicobus repris sa course folle dans les rues de Londres. Jack s’évanouit une nouvelle fois dans ses songes, fumant allègrement une cigarette aussi ectoplasmique que lui qui diminuait à chaque inspiration et se régénérait à chaque expiration.
- Euuuh. Il y a quelqu'un ?
- ARGH !! hurla Jack avec un air faussement dramatique brusquement sortit de ses songes.
Il fit un bon de côté et passa à travers la paroi du bus pour se retrouver dehors. L’engin filait à une vitesse grand v et Jack mit quelques secondes pour le rattraper. Sa tête retraversa la carrosserie du bus. Son regard noir se fixa sur la jeune fille, toujours avec une lueur de folie dantesque dans les yeux.
- Etes-vous folle Dame Cunégonde ? Vous avez faillit me faire trépasser outre cette calèche ! Je ne suis pas sûr que votre oncle approuverait votre attitude Lady ! dit-il en reprenant progressivement sa place sur le siège.
Et oui Jack était timbré, c’était un fait. Mais il avait une allure tellement dramatique qu’on pouvait se demander où était la folie et où était le génie. Il recouvra son silence et sa léthargie rapidement puis tourna légèrement sa tête vers la jeune fille.
- Oui il y a quelqu’un. Vous êtes ?
L’attitude de Jack était maintenant totalement différente. Il était beaucoup plus froid, et son regard se posa tout à fait neutralement sur la jeune fille à sa droite. Jack sembla devenir moins translucide que quelques minutes auparavant, en réalité Jack était un fantôme à l’apparence très tangible, signe que la trace qu’il avait laissé dans le monde des vivants étaient très pesantes. Le monde des ni vivants ni morts était emplit de complexité dont seuls ce qui y appartenaient détiennent les clefs.

Élise vit une personne aux cheveux ébouriffés fumant une cigarette dont la trace de cendres était très peu visible, Élise fronça les sourcils pour se concentrer sur la vue de la chose ectoplasme. La petite n'avait jamais vu de fantômes aussi réels, la vue de ces êtres entre la Vie et la Mort – non pas les Morts Vivants – était fréquente au château de Poudlard, il y avait encore les fantômes des quatre différentes maisons, Nick Quasi-Sans-Tête et tous les autres dont Baron le Sanglant.

Cet être avait hurlé, un ronflement plus fort se fit entendre dans le Magicobus et Élise regarda dans la direction de ce bruit. Personne n'était réveillé et à la vision d'une petite parlant à un être non humain allait surprendre les gens, ah mais non ! Tout le monde était habituée de voir des fantômes, tout le monde était sorcier dans ce Bus. Cela changeait des fois où Élise allait dans les bus moldus, si elle parlait toute seule, tout le monde aurait dit d'aller voir un psychologue, ces personnes qui vous écoutaient, parler de vos problèmes et elles ne faisaient que cela, écouter. Quel métier, désolant. Puis le fantôme fit passer sa tête dans le Magicobus puisqu'il était parti, il y a quelques secondes, Élise ne put s'empêcher de pousser un petit cri de surprise. Ce qu'ils pouvaient être surprenants ces fantômes...

- Je ne suis sûrement pas Cunégonde, je ne suis sûrement pas l'amante de Voltaire ou quoi que ce soit mais je suis celle qui s'est mise à côté de toi. La méchante vilaine fille...

Élise laissa un silence s'installer pour, timidement, regarder cet être fait de .. De quoi, déjà ? Élise ne savait même pas.

- Je suis peut-être la femme de ta vie, peut-être celle que tu as toujours rêvé mais pour cela, il faudra attendre encore un petit peu, je suis trop jeune...

Suivi d'un rire enfantin, Élise sourit à cet ectoplasme. Elle ne put s'empêcher d'essayer de le toucher , elle toucha sa main et sentit quelque chose. Élise le regarda étrangement comme si elle voulait dire : Vous êtes vivant ou fantôme ? Peut-être était-ce un peu des deux, elle avait lu dans des livres comme quoi plus les êtres avaient été présents dans le monde des Sorciers, plus ils étaient encore « vivants » en étant fantôme. Surprenant, non ?

Élise songea un instant, pourquoi avait-il voulu devenir un être qui n'avait pas vie alors qu'il était mort. Pourquoi, ces centaines de pourquoi défilaient dans son esprit comme une banderole et cela en devenait horripilant. Élise avait mal à la tête quand elle regarda, cet être fumeur encore à ses heures.

- Élise.

Elle avait dit cela ainsi comme un cheveu sur la langue mais elle s'en fichait, il n'était pas plus sot qu'un être humain. La petite prit quelque cheveux de sa coupe aux couleurs dorés et se tressa les cheveux avec, elle s'ouvrit la lèvre inférieure en la mordillant un peu trop et le froid Londonien ne faisait pas bon mélange. Du sang perla quelque peu mais Élise n'en fit pas attention, elle replia ses genoux contre elle, une position qu'elle aimait : cela la réchauffait et elle aimait, cette sensation de protection et de chaleur.

- Tu t'arrêtes où ?

Le Magicobus grinça ses pneus, il avait glissé sur le sol gelé de Londres. Où voulait-elle aller ? Pas chez elle, non elle allait leur apprendre à l'énervement made Élise. Elle ne bougonnait pas et après, faisant les yeux doux, non non elle faisait la tête des fois quelques semaines. Peut-être pouvait-elle passer une partie de la nuit avec ce fantôme traînant dans Londres, personne ne viendra la chercher.

- A qui ai-je l'honneur de parler ? Ce n'est pas non plus, Roméo Capulet ni .. Un gante monsieur en recherche de présence féminine, mais que se cache t-il derrière cette transparence ? Derrière cette cigarette machouillée et ces cheveux ébouriffés ?

Élise jouait à ce jeu, elle aimait se montrer folle car oui, sous cette petite bouille elle l'était : folle. De plus, sous ses cernes, on pouvait y voir une profonde lassitude pourtant sa vie n'était pas la moins monotone, loin de là après toutes les infractions qu'elle faisait, à Poudlard. Élise sourit, autant sourire que pleurer.